L'aménorrhée hypothalamique fonctionnelle (AHF) est une cause fréquente d'aménorrhée secondaire chez les femmes en âge de procréer. Cette condition, qui touche environ un tiers des cas d'aménorrhée secondaire, résulte d'une perturbation de la sécrétion pulsatile de la gonadolibérine (GnRH) au niveau de l'hypothalamus, perturbant ainsi la production de gonadotrophines nécessaires à l'ovulation.
L'AHF est généralement causée par une combinaison de facteurs tels que le stress psychosocial, les troubles alimentaires et l'exercice physique excessif. Outre l'aménorrhée et l'infertilité, cette pathologie a un impact à long terme sur la santé osseuse, cardiovasculaire, psychologique et cognitive des femmes touchées.
🟢 Mécanismes métaboliques et neuroendocriniens
L'AHF survient en l'absence de pathologie anatomique évidente et est principalement due à une inhibition de l'axe hypothalamo-hypophyso-ovarien (HPO). La GnRH et l'hormone lutéinisante (LH) sont essentielles pour le déroulement normal du cycle menstruel. Toutefois, le stress, les déséquilibres énergétiques et les troubles alimentaires peuvent altérer la sécrétion pulsatile de ces hormones, ce qui conduit à l'absence d'ovulation et donc à l'aménorrhée. L'AHF peut être divisée en 4 catégories selon la cause principale : stress psychosocial, troubles alimentaires, exercice physique excessif ou tout simplement des apports non adapté à l'activité physique
👉 Stress psychosocial et axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien : le stress entraîne une activation accrue de l'axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS), avec une sécrétion accrue de l’hormone corticotrope (CRH) et des glucocorticoïdes comme le cortisol. Ce dernier agit directement sur les neurones hypothalamiques producteurs de GnRH, inhibant ainsi la sécrétion de GnRH et perturbant l'axe HPO. De plus, la CRH et le cortisol peuvent interagir avec les neurones produisant la kisspeptine, une protéine qui stimule la sécrétion de GnRH. Le stress est également associé à une réduction des niveaux de kisspeptine, ce qui aggrave encore l'inhibition de l'ovulation.
👉 Déséquilibre énergétique : le déséquilibre entre l'apport et la dépense énergétique affecte également l'axe HPO. Lorsque l'apport énergétique est insuffisant (en raison d'une alimentation restreinte ou d'un exercice excessif), l'organisme privilégie d'autres fonctions vitales au détriment de la reproduction. Les femmes atteintes d'AHF présentent souvent une baisse des niveaux de leptine et d'insuline, hormones qui, en temps normal, stimulent les neurones à kisspeptine et favorisent la sécrétion de GnRH. Inversement, l'hormone de la faim, la ghréline, qui augmente en situation de restriction calorique, inhibe la production de kisspeptine et supprime ainsi l'ovulation.
🟢 Facteurs de risque et conséquences de l'AHF
👉 Facteurs de risque : les principales causes identifiées de l'AHF incluent un stress élevé, une alimentation déséquilibrée ou restrictive, ainsi qu'une pratique excessive de l'exercice physique. Dans certains cas, une prédisposition génétique ou épigénétique peut également jouer un rôle. Par exemple, certaines femmes ayant des variantes génétiques associées à une déficience en GnRH peuvent être plus vulnérables à développer une AHF en réponse à des facteurs environnementaux.
👉 Impact sur la santé osseuse : l'une des conséquences les plus graves de l'AHF est la perte de densité minérale osseuse (DMO), causée par la carence en œstrogènes. L'œstrogène est essentiel à la formation et au maintien de la masse osseuse. Chez les jeunes femmes atteintes d'AHF, la carence en œstrogènes, combinée à une masse maigre (musculaire) réduite, entraîne une diminution significative de la DMO, augmentant ainsi le risque de fractures à long terme.
👉 Santé cardiovasculaire : les œstrogènes ont un effet protecteur sur le système cardiovasculaire. Leur absence dans l'AHF augmente le risque de maladies cardiovasculaires, comme cela a été démontré par plusieurs études qui relient l'aménorrhée à un risque accru de maladies coronariennes.
👉 Santé mentale et cognitive : les femmes atteintes d'AHF présentent souvent des symptômes de détresse psychologique, tels que l'anxiété, la dépression et un perfectionnisme exacerbé. La carence en œstrogènes peut également affecter la fonction cognitive en altérant la formation des synapses et en perturbant la régulation des neurotransmetteurs tels que la sérotonine et la dopamine.
🟢 Diagnostic de l'AHF
Le diagnostic de l'AHF est un diagnostic d'exclusion. Il est nécessaire d'exclure d'autres causes d'aménorrhée secondaire, telles que le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), l'insuffisance ovarienne prématurée (IOP), l'hyperprolactinémie et les troubles thyroïdiens. Le diagnostic repose sur une histoire clinique détaillée et des tests hormonaux, montrant généralement des taux bas de LH, FSH et œstrogènes.
Diagnostic différentiel de l'aménorrhée hypothalamique fonctionnelle | Syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) | Insuffisance ovarienne prématurée (IOP) | Hyperthyroïdie/Hypothyroïdie | Hyperprolactinémie |
Antécédents et examen physique | Hirsutisme Acné Prise de poids Obésité centrale | Antécédents de radiothérapie/chimiothérapie Antécédents de maladies auto-immunes Antécédents familiaux d'IOP Diagnostic du syndrome de Turner | Intolérance à la chaleur/froid Diarrhée/constipation Perte/prise de poids Transpiration/peau sèche Tremblements Palpitations Troubles du sommeil | Galactorrhée Maux de tête Troubles visuels |
Valeurs de laboratoire | Ratio LH élevé (LH élevé et FSH normal à bas) AMH élevé Androgènes souvent élevés | FSH élevée AMH bas | Niveaux anormaux de thyréostimuline (TSH) | Niveaux de prolactine à jeun élevés |
Légende : AMH, hormone anti-Müllérienne ; FSH, hormone folliculo-stimulante ; LH, hormone lutéinisante ; SOPK, syndrome des ovaires polykystiques ; IOP, insuffisance ovarienne prématurée.
🟢 Gestion et traitement
Le traitement de l'AHF repose principalement sur la correction des facteurs sous-jacents.
Cela implique une modification du mode de vie avec une amélioration de l'apport calorique et une réduction de l'exercice excessif. La thérapie cognitive et comportementale (TCC) peut également être utile pour traiter les troubles alimentaires et réduire le stress.
Dans les cas où ces interventions ne rétablissent pas les cycles menstruels après 6 à 12 mois, un traitement hormonal substitutif (œstrogènes transdermiques et progestérone) peut être envisagé. Cependant, l'utilisation d'hormones orales et de contraceptifs hormonaux n'est pas recommandée en raison de leur impact limité sur la santé osseuse.
L'aménorrhée hypothalamique fonctionnelle est une condition complexe qui résulte d'une combinaison de stress psychosocial, de déséquilibres énergétiques et d'exercice excessif. Bien qu'elle soit souvent réversible par des changements de mode de vie, l'AHF a des répercussions importantes sur la santé à long terme, notamment en ce qui concerne la santé osseuse, cardiovasculaire et mentale. Une prise en charge précoce et adéquate est essentielle pour minimiser les risques à long terme et rétablir une fonction reproductive normale.
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